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28 février 2014

La Sainte Inquisition en difficulté ?

On annonçait du scandale, de la tension, des incidents de prétoire, des pugilats dans la salle et un témoin-vedette, Alain Finkielkraut. Nous eûmes de la sérénité, de longs débats dans un silence de cathédrale, un public attentif (jusqu'à 21 heures passées) et pas le moindre Finkielkraut à l'horizon. Le procès de l'écrivain Renaud Camus, poursuivi hier pour incitation à la haine raciale devant la XVIIème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, aura été surprenant de bout en bout. Sans doute la personnalité très particulière du prévenu y fut-elle pour beaucoup...

Grand Remplacement

Petit retour en arrière : le 18 décembre 2010, Renaud Camus participe aux " Assises sur l'islamisation ", organisées par Riposte Laïque, Résistance Républicaine et le Bloc identitaire, à l'espace Charenton, à Paris. Devant mille personnes, alors que des contre-manifestations " anti-fascistes " grondent à l'extérieur du bâtiment, l'écrivain y prononce un discours intitulé " La nocence, instrument du Grand Remplacement ", dans lequel il établit un lien entre immigration et fin de la civilisation française. La tonalité générale de ces " Assises ", on l'aura compris, est modérément islamophile et la journée se termine par le discours triomphal d'Oskar Freysinger, leader politique suisse à l'origine du vote anti-minarets. Des policiers en civil avaient été dépêchés dans la salle par la Préfecture de police avec ordre de réagir au moindre dérapage. Ils n'estimèrent pas devoir le faire.

Dix mois plus tard, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) décide de porter plainte contre Renaud Camus pour les propos tenus ce jour-là. C'est ce qui lui vaut de comparaître ce 21 février devant la XVIIème chambre correctionnelle.

Le tribunal commence donc par diffuser la vidéo du fameux discours. On y entend Renaud Camus, par ailleurs fondateur du Parti de l'In-nocence, assimiler l'islam à une religion de conquête, dont les " voyous " de banlieue seraient les soldats. Selon lui, " en rendant la vie impossible aux indigènes [comprendre les Français de souche] " les incivilités et l'ultra-violence des jeunes issus de l'immigration ne seraient que le prélude à une contre-colonisation et à un changement de civilisation. C'est ce qu'il appelle -le concept a largement diffusé dans les milieux d'extrême-droite- le Grand Remplacement.

"Je suis farouchement opposé à l'immigration."

Fin de la vidéo et arrivée de Renaud Camus à la barre. La présidente, Anne-Marie Sauteraud, l'invite à se présenter : " Je suis écrivain depuis quarante ans et j'ai publié une centaine de livres, commence-t-il, sanglé dans un costume avec pochette. Je suis aussi le fondateur d'une petite formation politique, le Parti de l'In-nocence, qui n'est pas exactement, le tribunal s'en sera sans doute avisé, un parti de masse. Ce parti dénonce toutes les nocences, les nuisances, les atteintes écologiques aussi bien que les problèmes de voisinage. Je ne suis pas particulièrement islamophobe, mais je suis désespéré de constater que la civilisation française est en train de disparaître sous l'effet d'une immigration massive, à laquelle je suis farouchement opposé. "

L'avocat du Mrap, Pierre Mairat, tente bien d'arrêter la démonstration de Renaud Camus, rappelant qu'il a appelé à voter Marine Le Pen lors de la dernière élection présidentielle. " Elle est en effet celle qui est la moins éloignée de mon combat, rétorque l'écrivain. Mais diriez-vous de François Bayrou, lequel a appelé à voter François Hollande, qu'il est socialiste ? " Durant une heure et demie, devant une salle silencieuse qui lui est largement favorable (étrangement, pas un seul militant du Mrap n'a cru bon de faire le déplacement pour ce procès ô combien emblématique), porté par une certaine éloquence classique, sans rien renier de ses convictions parfois radicales, Renaud camus déploie son argumentaire.

La défection de Finkielkraut

Il est temps de faire entrer les témoins de la défense. On annonçait Alain Finkielkraut, susceptible, disait-on, de faire basculer l'audience par son aura. Mais le philosophe, qui ne fait pas mystère de son amitié pour Renaud Camus, s'est désisté voilà deux jours. La raison ? Il ne croit pas pouvoir défendre les propos incriminés et pense qu'il desservirait la cause, a-t-il confié à Camus, selon le Journal intime que ce dernier met chaque jour en ligne.

Le philosophe Robert Redeker, autre témoin-vedette annoncé, a lui été contraint de renoncer à venir. Objet d'une fatwa islamiste à la suite d'une tribune publié dans Le Figaro, il vit caché sous protection policière depuis quatre ans. Mais il a laissé un long message, dont l'avocat de Camus, Me Karim Ouchikh, lit quelques extraits. Il y déclare notamment que les accusations du Mrap " visent à bâillonner un écrivain, dont le Journal est comparable à celui d'un Montaigne de notre temps ", qui serait victime d'un " bannissement social " pour avoir mis des mots sur une réalité.

Deux témoins déroutants

Faute de Finkielkraut et de Redeker, ce sont deux témoins étonnants qui font leur entrée. Voici venir Farid Tali, 36 ans, professeur de lettres dans un collège de banlieue. Ce jeune homme d'origine marocaine a naguère publié un ouvrage avec Renaud Camus, Incomparable (P.O.L). D'une voix posée, il raconte combien il a été choqué de découvrir le fort sentiment anti-français chez ses élèves d'origine étrangère. "Lorsque je leur ai dit que j'étais patriote, ils m'ont traité de traître. C'est comme si la France leur était extérieure ", déplore-t-il.

Me Mairat, l'avocat du Mrap, tente de minimiser la signification de ces réactions de collégiens. Etrangement, il ne semble pas savoir que Farid Tali a publiquement soutenu Marine Le Pen et ne lui pose pas la moindre question à ce propos. Pas plus qu'il ne tirera parti, d'ailleurs, de la défection d'Alain Finkielkraut, qu'il aurait pourtant été facile de faire passer pour un désaveu symboliquement lourd de sens aux yeux du tribunal...

C'est au tour du second témoin, Marcel Meyer, de venir à la barre. Ce retraité, fidèle du Parti de l'In-nocence, raconte en détail comment lui, son épouse et leurs trois enfants ont fini par quitter leur maison de Seine-Saint-Denis, exaspérés par les cambriolages à répétition, les menaces et les rodéos de scooters des " jeunes de banlieue ". " Mon expérience prouve que la réalité décrite dans le discours de Renaud Camus poursuivi aujourd'hui est tout à fait plausible ", conclut-il.

Camus contre-attaque !

Au tour des avocats d'entrer en piste. Me Mairat déroule les méfaits de la décolonisation, le 17 octobre 1961, la Résistance, les délits de faciès et réclame 5000 euros de dommages et intérêts à Renaud Camus. Me Ouchikh conteste l'accusation, estimant que son client est dénué de toute " haine " et qu'il n'a fait que " mettre des mots sur une réalité ".

Finalement, le substitut du procureur requiert une condamnation, estimant que l'écrivain s'est bien rendu coupable d'une forme de " racisme sophistiqué, parfois fumeux, non sans un certain souffle littéraire."

On s'apprêtait donc à quitter la salle d'audience -il était 21 heures et le procès avait débuté cinq heures plus tôt...- quand Renaud Camus a demandé une dernière fois la parole. Et l'on a alors assisté à ce spectacle stupéfiant d'un accusé faisant publiquement le procès de l'avocat qui le poursuivait ! "Vous avez dit beaucoup de choses qui m'ont heurté dans votre plaidoirie, a commencé l'écrivain, s'adressant à Me Mairat. Sachez donc que je suis un ardent admirateur du général de Gaulle et de Frantz Fanon et que vos insinuations sur mon supposé pétainisme sont dénuées de tout fondement. Et pour terminer, je vous propose une nouvelle appellation pour le Mrap: Mouvement Pour le Remplacement Accéléré du Peuple". Le tribunal en est resté coi.

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