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22 mai 2014

Européennes: une grande vague blanche, dont seule l'écume est bleu Marine

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Alors que l'UMP est en pleine crise avant les européennes, Nicolas Sarkozy publie une tribune dans Le Point. Entre les affaires, les querelles de personnes et la montée du FN, pourra-t-il sauver l'UMP ? Les réponses de Thomas Guénolé.


Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po, docteur en sciences politiques (Sciences Po - CEVIPOF). Il est l'auteur de Sarkozy, un retour impossible? et du Petit guide du mensonge en politique (éditions First, 12€, 158 pages), sortie en librairies le 6 mars 2014

Après les soupçons de détournements de fonds publics pesant sur des sénateurs UMP, Lionel Tardy demande des comptes au président de l'UMP, Jean-François Copé, dans une lettre ouverte publié sur son blog. Le député UMP de Haute-Savoie avait lâché la semaine dernière: «au mois de juin, l'UMP n'existera plus». En cas de mauvais résultats aux européennes, l'existence de l'UMP est-elle menacée?

Non. Le meilleur ciment de l'unité de l'UMP, c'est l'intérêt vital qu'ont ses élus à ce qu'elle dure. En effet, l'écrasante majorité des élus du parti obtiennent leur mandat grâce au vote pour la marque «UMP», sans qu'eux-mêmes soient pour quoi que ce soit dans leur propre succès. Pour le dire plus crûment, le pouvoir de la marque UMP est tel que, dans la plupart de circonscriptions, si le parti présentait une chèvre à son piquet avec l'étiquette UMP, la chèvre serait élue.

Ce constat vaut que ce soit pour des mandats parlementaires, locaux, ou européens. Et il vaut d'ailleurs aussi bien pour l'UMP que pour le PS. Bref, puisque tuer l'UMP, c'est tuer la poule aux œufs d'or de leur carrière en politique, non, les élus et les cadres du parti n'iront jamais à la scission.

Si le FN arrive devant l'UMP, Jean-François Copé peut-il être la première «victime» collatérale de cette défaite?

En l'état des enquêtes d'opinion, ce qui s'annonce, c'est une énorme abstention. À cet égard, les analystes, journalistes, commentateurs et personnalités politiques qui évoquent une percée spectaculaire, un ‘‘21 avril européen'', ou encore une ‘‘vague bleu Marine'', font une colossale erreur d'analyse et de perception. Ce qui s'annonce, c'est une grande vague blanche, dont seule l'écume est bleu Marine.

Pour autant, si dimanche le FN arrive devant l'UMP, même si cela revient à arriver premier parmi des scores minables en nombre de voix, la claque sera sévère pour la droite. Il y aura donc une fenêtre de tir pour une ‘‘révolution de palais'' à l'UMP, afin d'évincer Jean-François Copé de sa présidence. Concrètement, l'UMP ayant, comme jadis le RPR, une culture très limitée du respect de ses propres statuts et votes, il suffit qu'une majorité se dégage au bureau politique du parti pour que les choses se fassent.

Cependant, si une majorité peut exister au bureau politique pour décider de retirer la présidence à Jean-François Copé, il n'y en a pas pour s'accorder sur le nom de quelqu'un d'autre pour prendre le poste, même par intérim. Donc, logiquement, une telle ‘‘révolution de palais'' ne peut réussir que si elle ne choisit pas un nouveau président du parti. C'est tout à fait faisable. Par exemple, le bureau politique pourrait décider de suspendre Jean-François Copé de la présidence du parti le temps que les soupçons liés à l'affaire Bygmalion soient levés, et le remplacer par une présidence collégiale qu'exercerait …le bureau politique. En pratique, cela reviendrait à passer à une présidence collégiale jusqu'à l'élection du président de l'UMP, prévue fin 2015.

Si le FN arrive en tête aux européennes, peut-on imaginer qu'une partie des cadres de l'UMP rejoindra le FN tandis que d'autres se rapprocheront de l'UDI?

Si votre question porte sur un scénario extrême d'explosion du parti, la réponse est non, parce que l'UMP n'explosera pas: encore une fois, ses élus n'iront jamais jusqu'à tuer la poule aux œufs d'or qui leur donne leurs mandats grâce au pouvoir de la marque «UMP». Si votre question porte sur l'idée que quelques cadres quitteraient l'UMP, la réponse est oui concernant les transferts vers l'UDI, car ils ont déjà commencé: Rama Yade, Chantal Jouanno, Yves Jégo, pour ne citer que quelques exemples. En revanche, la réponse est non concernant les transferts vers le FN, car faute d'alliance avec d'autres partis, l'extrême droite obtient infiniment moins d'élus que les autres formations: il est donc objectivement suicidaire pour un élu, en termes de carrière, de lâcher son parti-rente pour rejoindre le FN.

L'UMP semble néanmoins prise en étau entre le centre et l'«extrême droite». Comment peut-elle résoudre cette équation?

En passant réellement et complètement à un fonctionnement par courants, sur le modèle du PS. Concernant sa ligne politique, ce dont souffre aujourd'hui l'UMP, c'est de ne pas réussir une synthèse harmonieuse entre ses grandes familles de pensée. Il y a aujourd'hui quatre droites: la droite libérale, la droite gaulliste, la droite contre-soixante-huitarde, et la droite sécuritaire. Il faut donc sans doute passer, comme le PS, à un système par lequel tous les 2 ou 3 ans, les adhérents de l'UMP départagent des motions présentées par des listes de candidats au bureau politique: dès lors, atteindre x% des voix donne x% des sièges du bureau.

En plus de garantir la représentation équitable des différentes droites, cela permettrait de rompre avec le syndrome de l'armée mexicaine qui caractérise l'état-major du parti depuis la «guerre des sous-chefs» Copé-Fillon.

La tribune de Nicolas Sarkozy signifie-t-elle qu'il précipite son retour? Peut-on imaginer qu'il crée un nouveau parti à sa main à cette occasion?

Nicolas Sarkozy ne doit surtout pas oublier que s'il a gagné en 2007, c'est aussi parce que pendant deux ans il a transformé l'UMP en une machine de guerre électorale disciplinée et organisée: le contraste entre l'efficacité de gestion de sa campagne et le caractère foutraque de celle du PS durant la campagne de Ségolène Royal était à cet égard très frappant. Symétriquement, Nicolas Sarkozy ne doit pas oublier que s'il a perdu en 2012, c'est aussi parce qu'il a fait campagne en soliste avec un noyau dur d'équipiers réduit au minimum minimorum: cette solitude extrême, cette campagne sans le parti, cela s'est senti.

Bref, en toute logique, s'il veut vraiment à la fois s'imposer comme candidat pour 2017, régler le problème du leadership de l'UMP, et transformer ce parti devenu des écuries d'Augias en la machine de guerre que ce fut pour 2007, il doit tout simplement faire ce qu'il fait le mieux: ne plus prendre les Français pour des imbéciles en niant l'évidence de sa pré-campagne présidentielle ; assumer son ambition ; reprendre la présidence de l'UMP.

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