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20 septembre 2016

Alerte attentat ... sur votre patrimoine !

Afficher l'image d'origineDans le cadre de la loi SAPIN 2, un amendement à discrètement été voté la semaine dernière. Cet amendement vise à donner davantage de pouvoirs au Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), l’autorité macroprudentielle française chargée d’exercer la surveillance du système financier dans son ensemble sous l’autorité du ministre des finances et des comptes publics.

Cet amendement vient modifier l’article 21 bis de la loi sapin 2 précise que, pour prévenir des risques représentant une menace grave pour la situation financière des personnes assurées ou d’une partie significative d’entre elles, il est possible de suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrage ou le versement d’avances sur contrat, c’est-à-dire de suspendre le contrat d’assurance d’un certain nombre de personnes en cas de danger, non pas systémique, mais pesant sur une grande partie des assurés.

Tout simplement ! Les articles 21 et 21 bis de la loi SAPIN élargissent les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et du HCSF visant à faciliter le rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d’assurance 

C’est effrayant !

Pour mieux vous rendre compte de l’importance de cette décision, et surtout de la manière étrange avec laquelle cet amendement à été déposé, je vous propose de lire les échanges entre parlementaires qui découvrent le texte au dernier moment :


Extrait du débat en commission des finances : 

M. le rapporteur pour avis. L’amendement, élaboré en concertation avec le Gouvernement, tend à renforcer les pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière en lui donnant la faculté juridique de soumettre le secteur de l’assurance à un régime macroprudentiel contraignant, inspiré du régime macroprudentiel applicable au secteur bancaire, en cas de risque systémique avéré. Il est bien sûr compatible avec la directive Solvabilité II.

Mme Karine Berger. Cet amendement, que j’ai découvert tardivement – il a été déposé il y a quarante-huit heures –, a une très grande portée puisqu’il permet la modification potentielle des ratios prudentiels appliqués au secteur de l’assurance. Je rappelle que nous avons créé, par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, une Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Elle s’est déjà saisie de la situation dans le secteur des assurances, nous alertant à propos de l’impact que les taux d’intérêt bas peuvent avoir sur l’assurance vie. Sommes-nous certains de vouloir renforcer encore les ratios macroprudentiels prévus par la directive Solvabilité II – car je ne pense pas, monsieur le rapporteur, que votre proposition ait pour objectif de les réduire ? Des explications complémentaires sur une disposition qui pourrait avoir des effets très puissants et, je l’espère, très sécurisants pour les souscripteurs d’assurance vie seraient bienvenues.

M. Charles de Courson. Comme Karine Berger, je m’interroge. Pourquoi cette affaire compliquée est-elle traitée par le biais d’un amendement du rapporteur ? Comment la proposition s’articule-t-elle précisément avec le droit communautaire ? Un fonds de réserve est-il prévu ? « Le code monétaire et financier », nous est-il dit, « serait ainsi modifié », notamment pour permettre au Haut Conseil de stabilité financière « de moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices ». Or on se rappellera les très fortes pressions déjà exercées sur les autorités de contrôle pour qu’elles acceptent de ne provisionner que partiellement ; j’ai refusé d’appliquer dans la mutuelle que je préside cette faculté de modulation que je jugeais très dangereuse. Pire : ces consignes vaudraient en cas de fluctuations importantes de taux d’intérêt ou de prix des actifs. De telles mesures ont un impact très lourd pour les propriétaires des actifs considérés, qui sont, ne l’oublions pas, les assurés, les fonds propres des compagnies d’assurance étant, en proportion, peu de chose. Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, nous éclairer ?

Mme Véronique Louwagie. Cette proposition a un impact potentiel considérable, mais comment l’analyser sérieusement alors qu’à seize heures dix, les amendements ne nous étaient pas encore accessibles ?

M. Patrick Hetzel. Le problème de méthode est flagrant. Si les amendements n’étaient pas accessibles, c’est qu’ils n’avaient pas encore passé le filtre de l’article 40… Le système informatique de la Haute Assemblée permet pourtant aux sénateurs d’avoir accès plus tôt aux amendements déposés ; ils sont publiés avec la mention « sous réserve de l’acceptation au titre de l’article 40 ». Découvrir en commission des amendements d’une telle importance ne nous permet pas de faire un travail digne de ce nom. Ce n’est pas sérieux.

M. Dominique Baert, président. Je rappelle à toutes fins utiles qu’un rapporteur peut déposer des amendements jusqu’au dernier moment.

Mme Karine Berger. Monsieur le rapporteur, qu’entendez-vous faire exactement en donnant au Haut Conseil de stabilité financière la possibilité de « suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat » ? C’est de contrats d’assurance vie qu’il s’agit !

M. Christophe Castaner. La discussion ne fait que commencer et se poursuivra en séance publique en présence du ministre. La crise financière nous a enseigné que, pour être pleinement efficace, la politique macroprudentielle doit aussi tenir compte de tous les acteurs systémiques non bancaires, en particulier des assurances. Il ne s’agit pas d’une révolution, mais de compléter les moyens déjà mis en œuvre.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement me terrorise. A-t-on le droit de restreindre aussi fortement le droit des contrats ? On retient de cet amendement que le Haut Conseil de stabilité financière pourrait limiter « l’acceptation de primes ou versements » et même « suspendre ou restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs », ce qui ne s’est jamais vu : un contrat doit avoir à tout moment une valeur de liquidation ! Quant à « suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat », c’est tout aussi contraire au droit. Quelle peut être l’inspiration de cet inventaire à la Prévert ?

M. Charles de Courson. A-t-on vérifié la constitutionnalité, au regard du droit de propriété, des alinéas c et d du nouveau 7 ° inséré à l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier, dont Marie-Christine Dalloz vient de rappeler les termes ?

Sur le plan économique, les dispositions proposées ne vont-elles pas déclencher une perte de confiance chez ceux de nos concitoyens, et ils sont très nombreux, qui ont souscrit une assurance vie avec une clause de rachat ? Je rappelle qu’entre dix et quinze pour cent des contrats d’assurance vie sont à taux garanti. N’est-on pas en train de jouer avec de la dynamite ?

M. le rapporteur pour avis. Les mesures proposées ne peuvent être déclenchées qu’en cas de crise systémique avérée, de manière à éviter sa propagation et à en limiter les effets. L’amendement s’inspire, je l’ai dit, du mécanisme macroprudentiel bancaire. Toutes les personnalités et tous les organismes que j’ai auditionnés considèrent que l’instauration de ce dispositif complémentaire de prévention du risque macroprudentiel est nécessaire. Le mécanisme qui vous est proposé est compatible avec la directive Solvabilité II. Il n’existe pas à ce jour de directive relative aux dispositions macroprudentielles pour les organismes d’assurance, mais le Haut Conseil de stabilité financière recommande de prendre en compte le risque macroprudentiel dans ce secteur.

Les amendements ont été déposés dans le délai prévu par notre Règlement. Celui que nous examinons a été rédigé en étroite collaboration avec le Gouvernement. Nous en débattrons à nouveau en séance publique, mais toutes les personnalités que j’ai entendues s’accordent à dire que, singulièrement dans le contexte de taux bas, nous avons intérêt à prendre cette mesure.

Enfin, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut déjà faire jouer, acteur par acteur, la disposition consistant à « suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat ». L’amendement vise à ce que, en cas de menace grave pour la situation financière, elle s’applique à un ensemble d’organismes et non à des acteurs individuels.

M. Charles de Courson. Pouvez-vous ignorer que de telles dispositions risquent de déstabiliser le secteur de l’assurance vie et de provoquer la fuite de l’épargne hors de nos frontières ?

Mme Karine Berger. Je vous saurais gré, monsieur le rapporteur, de nous lire en entier l’article du code monétaire et financier que vous entendez modifier. J’ai connaissance de cas de résolution d’établissement bancaire ou financier, mais, si ma mémoire est bonne, on ne trouve pas dans ce code de définition du « risque systémique avéré » – et pour cause : ce n’est pas une notion juridique, mais économique. Je pense donc que vous faites référence à un risque de résolution d’un établissement particulier ; d’ailleurs, les mesures proposées sont des mesures individuelles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je m’interroge également à ce sujet. Ce dont il est question dans l’amendement est de « prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques », une notion qui diffère de celle de « risque systémique avéré ». La loi doit s’écrire avec circonspection. La rédaction de l’amendement ne serait pas différente si vous aviez décidé la fin de cette forme d’épargne que sont les contrats d’assurance vie. Cela m’inquiète.

M. le rapporteur pour avis. Vous vous référez, madame Dalloz, au 5 °, qui tend à élargir les prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière sans entrer dans le champ de notre débat sur le régime macroprudentiel assurantiel, visé aux 6 ° et 7 ° de l’amendement. Les dispositions prévues visent, madame Berger, à préserver la stabilité du système financier ou à prévenir des risques représentant une menace grave pour la situation financière des organismes d’assurance ou d’une partie significative d’entre eux. La possibilité est bien donnée dans ce cas au Haut Conseil de stabilité financière de prendre des mesures générales. Enfin, monsieur de Courson, on peut aussi considérer que proposer des produits d’assurance vie sécurisés par un régime macroprudentiel sera un avantage pour la place de Paris.

M. Christophe Castaner. Je pense également que cette proposition est certes une contrainte, mais aussi un élément de sécurisation et donc un facteur d’attractivité.

M. Dominique Baert, président. La discussion reprendra sans nul doute en séance publique, en présence du ministre.


Comme vous pouvez le lire, l’amendement propose de renforcer le pouvoir du Haut Conseil de Stabilité Financière (qui je vous le rappelle est placé sous l’autorité du ministre des finances) afin de lui permettre de « suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat » des contrats d’assurance vie en cas de risque systémique avéré notamment induit par « l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques ». 

Ce pouvoir du HCSF ne concernerait pas seulement une compagnie d’assurance vie mais un ensemble d’organismes concerné par ces variations de taux d’intérêt.

En deux mots, j’ai le sentiment que l’on organise les conséquences possibles d’une prochaine hausse des taux d’intérêt. Demain, en cas de hausse violente des taux d’intérêt, les contrats d’assurance vie seront « bloqués » temporairement (??) afin de protéger les compagnies d’assurance vie.

Cela fait longtemps que nous savions que l’ACPR pouvait interdire les rachats sur les contrats d’assurance vie en cas de faillite d’une compagnie d’assurance vie. La nouveauté de l’article 21 bis de la loi SAPIN est général et préventif d’une telle disposition. L’apparition d’un risque de faillite par l’augmentation violente des taux d’intérêt par exemple pourrait suffire à mettre en oeuvre le blocage des contrats d’assurance vie afin de limiter la propagation du risque !

Quid du seuil d’intervention ? C’est quoi une crise systémique ? Qui décide ? Quels intérêts défendus ?

A suivre…

PS : les discussions en commission des finances de l’assemblée nationale font référence à une probable future discussion en séance publique. Malheureusement, les discussions ont été bien courtes

source


une_canard_21092016-sND: Dans son édition de la semaine le Canard enchainé s'inquiète à son tour sur les conséquences d'une telle mesure:

« Le texte prévoit que le HSCF présidé par le ministre des Finances pourra restreindre temporairement ou suspendre les retraits des titulaires de contrats en euros ainsi que la distribution des intérêts prévus. En clair, sur simple décision administrative les épargnants ne pourraient plus retirer leurs fonds pendant une durée de 3 mois renouvelable. »

Et le palmipède de rajouter :

« L’assureur qui comme son nom l’indique a le devoir de rembourser sera contraint de vendre l’obligation qui ne rapporte que 1 %. Mais sa valeur aura alors sévèrement diminué, de 80 % dans le pire des cas, et l’assureur devra sortir la différence de sa poche. Problème : 1 300 milliards d’euros sont actuellement investis par les Français dans de tels contrats. D’où, à l’arrivée, un risque de faillite pour les établissements financiers. Pour éviter cette tragique perspective, le ministre des Finances pourrait bloquer tout retrait. Aujourd’hui vanté comme sûr et liquide, ce placement deviendrait brusquement risqué et bloqué. »

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