Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
DISSIBLOG
20 mars 2020

Au coeur du « tsunami » du Covid-19, un immense malaise politique

Si l'heure n'est pas encore venue, la question des responsabilités sur les retards dans la décision de confinement à l'italienne et le maintien des Municipales devra se poser, comme c'est le cas dans toute démocratie, à l'issue de cette crise majeure.


 

Quand la crise du Covid-19 sera passée, la date du 17 mars 2020 sera à retenir. C'est ce jour-là, deux jours à peine après le premier tour des élections municipales, qu'Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, et candidate LREM à Paris, a décidé de confier son désarroi auprès d'Ariane Chemin, journaliste au Monde. L'article publié a provoqué une déflagration jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, amenant même le Premier ministre, Edouard Philippe, à réagir le soir-même.

Car, dans cette confession - qui lui permet de se dédouaner au passage -, l'ancienne ministre annonce avoir alerté, dès janvier, Edouard Philippe et Emmanuel Macron, de la dangerosité de l'épidémie en Chine. « Quand j'ai quitté le ministère, assure-t-elle, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. Je suis partie en sachant que les élections n'auraient pas lieu. » Ajoutant : « Depuis le début je ne pensais qu'à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c'était une mascarade. La dernière semaine a été un cauchemar. J'avais peur à chaque meeting. J'ai vécu cette campagne de manière dissociée. »

Ces déclarations ont provoqué un immense malaise au coeur de la macronie.  Agnès Buzyn n'avait-elle pas déclaré, le 24 janvier, que « les risques de propagation du coronavirus sont très faibles » ? Quoi qu'il en soit, si l'heure n'est pas encore venue, la question des responsabilités devra se poser, comme c'est le cas dans toute démocratie, à l'issue de cette crise majeure. La semaine dernière, ils étaient nombreux dans la majorité à critiquer l'opposition, et même le président du Conseil Constitutionnel, Laurent Fabius, qui auraient été à l'origine du maintien des élections. On sait aujourd'hui que le Conseil Constitutionnel n'a pas été consulté sur la question (au point de devoir publier un communiqué sur le sujet), et Le Monde relayait, dès jeudi soir, les propos suivants d'une source élyséenne : « Il n'y avait sur cette décision ni l'ombre de Larcher ni celle de Fabius, et encore moins celle de François Baroin », expliquait ainsi un proche du chef de l'Etat, assurant que « la droite LR et Larcher » se mettaient « en scène ».

Il faut davantage trouver l'origine de ces retards à l'allumage, et ces multiples cafouillages, par les différences de vues qui se sont exprimées au sommet de l'Etat. Dès jeudi, Emmanuel Macron disposait des études scientifiques les plus alarmistes en termes de projections en cas de non confinement. Au sein de l'exécutif, les tenants d'une ligne dure se sont alors affrontés à ceux qui voulaient préserver au maximum l'appareil productif français. Entre les deux, Emmanuel Macron aurait « hésité pendant une dizaine de jours, comme à son habitude », nous rapporte un macroniste. Toutes ces hésitations ont généré une cacophonie dans la communication gouvernementale, au point que l'intervention d'Edouard Philippe le samedi soir à quelques heures de la tenue des municipales, annonçant la fermeture de tous les lieux non essentiels à la vie de la nation, a été en réalité à peine coordonné avec l'Elysée.  

Autre incohérence dans ces heures cruciales, le Centre interministériel de Crise (CIC), situé à Beauvau, n'a pas été activé contrairement aux habitudes en cas de crise majeure : « Il a été décidé de ne pas le faire. Avec un motif incongru : ne pas donner le sentiment que nous sommes en phase attentats », nous confie un préfet, dépité. Et ce, alors même qu'il incombait au ministère de l'Intérieur d'organiser les élections municipales au beau milieu de l'épidémie... Autrement dit, jusqu'à la décision présidentielle du confinement national, c'est donc le ministère de la Santé qui est resté leader.

Reste que les Français ont bel et bien voté, malgré une abstention record. Et les résultats sont cruels pour l'exécutif. « Sur le front des municipales, c'est une débâcle pour nous », pointe un responsable de la majorité. À Paris, la socialiste Anne Hidalgo devance largement Rachida Dati (LR), et Agnès Buzyn. À Lyon, le macroniste de la première heure, Gérard Collomb, se retrouve en très grave difficulté à la métropole, et son candidat à la municipalité est largement devancé par les écologistes. Au Havre, le Premier ministre Edouard Philippe se retrouve en ballotage défavorable. À Lille, la baronne socialiste Martine Aubry est arrivée en tête. À Troyes, le patron des maires de France, le Républicain François Baroin, est élu dès le premier tour avec 66,7 % des voix.

Plus globalement, on assiste à une poussée des écologistes, et on constate de nombreuses performances de la gauche quand celle-ci est unie. La droite républicaine se maintient, et le Rassemblement National n'a pas profité de la défiance d'une partie de la population à l'égard du pouvoir actuel. Le « nouveau monde n'a aucun ancrage local », se désespère un élu de la majorité. À Paris, il est d'ailleurs très intéressant de constater que les arrondissements où Hidalgo est arrivée en tête sont ceux qui, lors de la primaire de la droite en 2016, avaient voté pour Alain Juppé face à François Fillon. Finalement, après trois ans de macronisme, le clivage traditionnel gauche/droite est de nouveau d'actualité. « Le pire c'est que lorsqu'on se penche sur les études de participation, ce sont les sympathisants LREM qui se sont le plus mobilisés », confie un autre macroniste. Le président a décidé de geler les résultats du premier tour, de prendre en compte les premières victoires, et d'organiser finalement le second tour fin juin. Bien sûr, si tout va mieux, d'ici là.

source

Publicité
Publicité
Commentaires
DISSIBLOG
Publicité
DISSIBLOG
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité