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DISSIBLOG
5 août 2020

Petite histoire du « vivre ensemble », ou la convergence des traîtres

Les 12 bonnes idées des enfants pour vivre ensemble - 1 jour, 1 ...Remarquable essai, à garder en archive et que nous transcrivons en totalité "au cas où" ...


Dans un précédent article, nous expliquions que le racisme antiblanc, et plus exactement l’antijaphétisme, était un système d’avilissement nécessaire à la survie du régime. L’antijaphétisme permettait à ce régime de mettre sur le compte des Autochtones les échecs du « vivre ensemble » et ainsi d’innocenter le projet qu’il incarnait.

Bien sûr, à aucun moment, les cadres du régime ne se sont mis autour d’une table pour décider d’un bouc émissaire et d’un acte d’accusation. En fait, les choses se sont passées bien plus simplement.

Pour le comprendre, il faut avoir en mémoire trois périodes qui illustrent des tournants majeurs dans l’histoire de notre pays : une période qui va du début des années 1970 jusqu’en octobre 1983, une période qui va d’octobre 1983 à 2005 et une troisième période qui court de 2005 à aujourd’hui.

I. Les années 1970 

1. D’une histoire valorisante à une mémoire avilissante

Jusqu’aux années 1970, le droit des Français à une mémoire qui ne les accable pas est globalement respecté. L’histoire enseignée, dominante, caricature à l’extrême le système féodal et le régime monarchiste mais ne calomnie pas le peuple français. Au contraire, celui-ci a alors un statut de victime : victime de l’Ancien Régime. Même la période douloureuse de l’Occupation est alors envisagée sous l’angle valorisant d’une France qui résiste courageusement à l’envahisseur. Les historiens comme le cinéma (La Bataille du rail, 1945 ; Le Train, 1964 ; Paris brûle-t-il ?, 1966…) dépeignent alors une France essentiellement résistante. Gaullistes et communistes sont alors les gardiens vigilants de cette historiographie valorisante.

La disparition du général de Gaulle et l’effritement du parti communiste après le Printemps de Prague, vont laisser le champ libre à ceux qui entendent réviser l’histoire de l’Occupation. Pour la première fois dans leur histoire, le peuple français et la France, vont se voir imposer une mémoire avilissante.

En 1973, paraît ainsi le livre de Robert Paxton sur La France de Vichy. Dans le sillage de Paxton, d’autres auteurs, comme Henry Rousso, font de la « France résistante » une reconstruction mémorielle autour d’un « mythe résistantialiste ». Les témoignages médiatisés de Juifs persécutés se succèdent alors. Progressivement, « l’holocauste » des Juifs prend la place mémorielle de la Résistance. On montre Nuit et Brouillard dans les écoles, à la télévision. Plusieurs fois. Puis la série Holocauste. Des films appuient de toute leur puissance d’évocation une nouvelle lecture de l’histoire, plus accusatoire (Le chagrin et la pitié, 1971 ; Lacombe Lucien, 1974 ; Section spéciale, 1975 ;  Monsieur Klein, 1976…). Le régime en place résiste-t-il à cette nouvelle construction mémorielle ? Pas du tout, rapidement, il l’impose dans les manuels scolaires.

2. Un nouveau problème : celui de l’immigration

On sait que le général de Gaulle s’opposait fermement aux politiques d’immigration demandées par le patronat. Déjà, il déclarait le 12 juin 1945 : « Sur le plan ethnique, il convient de limiter l’afflux des Méditerranéens et des Orientaux, qui ont depuis un demi-siècle profondément modifié les compositions de la population française ». Sa position sur le sujet n’a jamais changé, on connaît son mot sur « Colombey-les-Deux-Mosquées ».

).

L’essoufflement du PCF, la disparition du Général et la marginalisation des « barons du gaullisme » vont permettre, à la demande du patronat, d’organiser des flux migratoires importants en provenance du Maghreb.

3. Une classe politique renouvelée

De Gaulle n’est pas le produit d’un régime mais des évènements. A proprement parler, ce n’est pas un républicain. Qu’est-ce qu’un républicain en effet ? C’est quelqu’un qui a foi dans les vertus du contrat social (pacte républicain) et qui pense que des hommes « sans distinction d’origine, de race ou de religion » peuvent « vivre ensemble » sur la base de ce contrat. C’est quelqu’un qui pense fondamentalement que l’appartenance dépend d’un statut juridique (la citoyenneté) et non de l’identité. Or de Gaulle pense exactement le contraire. Il pense que l’intégration par le « pacte républicain » est une escroquerie (« L’intégration, c’est une entourloupe »), que le statut juridique compte moins que l’identité («  Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français »), qu’on ne doit pas mélanger des identités (« Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants. Essayer d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français »),  bref, il pense que le vivre tous ensemble est une illusion néfaste (« On peut intégrer des individus, des familles, des petits groupes, et encore, dans une certaine mesure seulement, et ça prend des générations. On n’intègre pas des peuples, avec leur passé, leurs traditions, leurs souvenirs communs de batailles gagnées ou perdues, leurs héros »). 

La disparition du général de Gaulle clôt une parenthèse a-républicaine ouverte par les évènements (la guerre d’Algérie). Le personnel politique qui entourait le général et dont la majorité partageait ses préoccupations « nationales » est progressivement remplacé par un personnel politique lié aux milieux d’affaire et dont les préoccupations sont économiques. Georges Pompidou, élu en 1969, est un ancien directeur général de la banque Rothschild. Valéry Giscard d’Estaing, élu en 1974, est un ancien inspecteur des finances, très introduit dans les milieux économiques patronaux. Il a éliminé au premier tour le gaulliste et authentique Résistant Jacques Chaban-Delmas.  

II. Conséquences de ces trois bouleversements 

1. Une nouvelle poussée du patronat oligarchique en faveur de l’immigration

Les intérêts nationaux du pays s’effacent au profit des intérêts économiques d’une minorité. En 1973, le Conseil national du patronat français (CNPF) mené par François Ceyrac entend contribuer « à la construction d’une société plus forte, plus prospère, plus humaine » (AG du CNPF, 19 juin 1973). Il s’agit d’un véritable « projet de civilisation » dont les politiques d’immigration constituent un élément central. Arguant de nécessités économiques (« le rôle de la main-d’œuvre étrangère dans le développement industriel est d’une importance capitale » - CNPF, 1972) le CNPF demande à la classe politique d’organiser les flux migratoires entre les pays exportateurs de main d’œuvre et les pays importateurs. La classe politique en question acquiesce (« il est clair que l’immigration est une nécessité de la croissance », Georges Gorse, ministre de L’Emploi et de la Population, 14 juin 1973).  En 1974, le gouvernement Chirac crée un Secrétariat d’État auprès du ministre du Travail, spécialement chargé de coordonner les politiques publiques d’immigration.

A ceux qui s’alarment des problèmes que pourraient engendrer une immigration importante, le CNPF répond que les « problèmes de population » engendrés par l’immigration ne sont pas du ressort de l’Entreprise mais des pouvoirs publics. L’organisation patronale l’explique, dès janvier 1972, dans un document intitulé Dossier sur la délégation à l’Information sur les travailleurs étrangers en France. Le dossier en question, pour la première fois, émet l’idée que l’intégration des immigrés dépend largement de l’attitude des Autochtones, et seulement des Autochtones : « Chaque Français a sa part de responsabilité : de l’attitude de chacun à l’égard des immigrés dépend, pour une part importante, l’insertion de ceux-ci dans la vie sociale française ». Bref, si l’intégration des immigrés se passait mal, il faudrait interroger le racisme des Français, pas le patronat. Une petite musique qui nous est maintenant devenue familière.

2. La nouvelle classe politique relève le défi républicain de mélanger l’huile et l’eau

Pour la nouvelle classe politique républicaine, l’arrivée des immigrés n’est pas en soi un problème. Dans sa « boîte à outil », le régime a tout ce qu’il faut pour bricoler les conditions d’un vivre ensemble harmonieux : la laïcité, qui permet de rejeter dans la sphère privée ce qui divise ; la mécanique sociale organisée selon les valeurs de la République, universelles comme chacun sait ; l’égalité de tous devant la loi commune ; les droits de l’Homme ; le pacte républicain et même la nationalité réduite à une simple appartenance administrative. Les pouvoirs publics sont donc en mesure de relever le défi d’un afflux migratoire massif, qui se résume à un simple problème d’infrastructures, de logements notamment. Aussi, en 1976, le régime  met-il en place une immigration familiale « organisée ». L’objectif ? Il faut écouter Paul Dijoud, secrétaire d’Etat aux travailleurs immigrés, pour le comprendre (une courte vidéo ici) : il s’agit de « changer la société française », de bâtir pour l’an 2000 une nouvelle société et une « civilisation nouvelle » qui intègrent « complètement » les étrangers. Décidément, la parenthèse gaulliste est définitivement fermée !

L’universalisme républicain hérité de 1789 réaffirme alors son hégémonie complète sur la pauvre société française. La doxa du régime s’impose : à partir du moment où l’organisation et le fonctionnement de la société selon les normes républicaines permettent de mélanger l’huile et l’eau, de faire vivre ensemble les Arabes et les Français, pour reprendre les mots du général de Gaulle, quelle raison pourrait-on invoquer pour légitimement s’opposer à l’arrivée des immigrés ? Absolument aucune ! Aucune, sauf, évidemment, si l’on est raciste et xénophobe !

3. Une « reductio ad racismus » de ceux qui refusent les politiques d’immigration

 Au début des années 1970, une bonne partie de la population française a connu l’Occupation.  L’histoire calomnieuse à la Paxton, les vise directement et associe implicitement le racisme d’aujourd’hui au racisme d’hier. Insidieusement, le racisme devient une caractéristique établie de la société française. L’insertion des étrangers se passe mal ? « Chaque Français a sa part de responsabilité » répond le patronat (CNPF, 1972) ! Car les Français, visiblement, se comportent mal. Ils sont racistes ! Toute une filmographie a pour mission de nous en persuader : Elise ou la vraie vie, 1970 ;  Bicots-nègres, vos voisins, 1973 ;  Dupont Lajoie, 1974 ; Les Ambassadeurs, 1975 ; etc.  Les Français n’y ont jamais le beau rôle. Ils sont bêtes et méchants. Ils refusent l’innocente présence des travailleurs africains et nord-africains. Bref, « les Français sont racistes » ! 

Le refus de l’immigration, un vulgaire rejet raciste des étrangers, ne serait qu’une forme réactualisée de pétainisme. Car Pétain, lui non plus, n’aimait pas les étrangers. Pour mieux persuader les Français que leur haine raciale viscérale est profondément ancrée dans leur société, le régime fait voter la loi Pleven (juin 1972). Cette loi punit l’incitation à la haine raciale et permet aux ligues de se porter partie civile. Il y avait urgence. La LICRA obtiendra la première condamnation en avril 1973 !

Georges Marchais dénonce, dans son discours de Montigny les Cormeilles (1981), ce procédé qui consiste à associer au racisme et au pétainisme celui qui dénonce les politiques d’immigration : « Nous posons les problèmes de l’immigration, dit-il, ce serait pour utiliser et favoriser le racisme, nous rechercherions à flatter les plus bas instincts (…) ils crient tous en cœur « pétainisme » » (…) de la droite au parti socialiste… » (courte vidéo ici, voyez la petite pique du journaleux en introduction). Plus qu’aucun autre parti politique, on le sait, le Front National a souffert de ce procédé. Celui-ci ne faillira pas, contrairement au PCF.

Ainsi, comme semble le pressentir Georges Marchais, cette manière caricaturale d’associer constamment les Français au racisme participe d’une stratégie politique coordonnée. Celle-ci s’appuie sur une histoire calomnieuse et une reconstruction mémorielle avilissante. Elle sert les intérêts du grand patronat. Elle se déploie pour faire taire ceux qui s’opposent aux nouvelles politiques d’immigration. Elle est menée par le régime, « de la droite au parti socialiste ».  

4. En résumé :

En résumé, dans les années 1970, la disparition du général de Gaulle et des gaullistes historiques conjuguée à l’effacement du PCF (effacement politique mais aussi moral) permet une historiographie qui substitue à la « France résistante », la « France vichyste ». Cette dernière est pétainiste, antisémite et raciste. La nouvelle historiographie est adoptée « spontanément », sans réserve et rapidement par le régime. 

Pour des raisons économiques (la France est encore en expansion), le patronat demande l’ouverture des frontières aux flux migratoires.

Pour des raisons idéologiques (le vivre tous ensemble est possible, c’est le postulat fondateur de la République), l’ensemble de la classe politique, droite nationaliste et communiste exceptés, accèdent à la demande des milieux d’affaire (avec qui la classe politique est en relation étroite). 

Pour faire taire ceux qui s’opposent aux politiques migratoires, la classe politique, les médias, le corps enseignant d’Etat, la télévision, le cinéma, les tribunaux…. vont ramener cette opposition au « racisme », au « pétainisme » et à des relents de France vichyste.

Notons bien que, durant toute cette première période, le régime n’utilise pas la « reductio ad racismus » pour faire endosser aux Autochtones l’échec du vivre ensemble. En effet, les immigrés non européens sont encore peu nombreux et le vivre ensemble n’est pas animé de trop fortes tensions. L’objectif de la reductio ad racismus est de forcer le consentement à l’immigration et de faire taire ceux qui s’y opposent. Qui voudrait passer pour raciste et assumer Pétain, la Collaboration et les camps de la mort ?

Pour le moment, la République ne joue pas sa survie. Au contraire (c’est son vieux rêve révolutionnaire), elle désire construire, avec des étrangers, une « civilisation nouvelle » pour l’an 2000. Rien ni personne ne doit contrecarrer cette puissante utopie sociale !

          III. 1983 : le choc ! 

1. Première émeutes : l’intégration se passe mal

La problématique républicaine change au début des années 1980. Il ne s’agit plus de faire taire ceux qui s’opposent à l’entrée des immigrées ou à leur installation, qu’on considère comme définitive, mais de désigner les responsables des premières émeutes de banlieues.

Le livre de Bernard Stasi, L’immigration : une chance pour la France, 1983, une ode au vivre-tous-ensemble, marque cette période et illustre ce changement de perspective. L’opposition politique aux politiques d’immigration (Le Pen) est traditionnellement renvoyée aux heures les plus sombres (les « ligues d’avant guerre », « Vichy », la « Collaboration). Mais Stasi affirme aussi que les étrangers sont destinés à rester (« ils font partie de la famille ») et pointe « l’hostilité », les « rejets » et les « comportements sociaux ségrégatifs » des Français, qui sont un « obstacle » à « l’intégration sociale » des étrangers et qui confèrent à la question de l’immigration une « force si explosive ». Stasi estime que l’immigration « peut aider les Français à choisir la France de l’ouverture » et réaliser ainsi le vivre-tous-ensemble « salutaire », mais alerte sur l’obstacle du racisme autochtone qui pourrait faire capoter la belle construction sociale. On le voit, il s’agit de justifier l’iinstallation, mais on commence aussi à chercher un bouc émissaire pour expliquer les premiers couacs du vivre-tous-ensemble.

C’est qu’au même moment, les banlieues allogénisées connaissent des tensions qu’on ne peut plus ignorer ou taire. Policiers et « jeunes » s’affrontent à Vénissieux (été 1983). Des jeunes issus de l’immigration entreprennent alors une marche médiatisée « contre le racisme » (dite Marche des beurs, octobre 1983). Le racisme en question est bien sûr celui des Autochtones, les beurs étant évidemment les victimes.

Nous assistons donc à un changement complet de paradigme : il apparaît que le vivre ensemble ne marche pas, que la République n’est pas capable de mélanger l’huile et l’eau, les Arabes et les Français. Et ce sont des allochtones qui le dénoncent ! Les valeurs et les principes du régime, dont l’universalité proclamée était justement sensée permettre le vivre tous ensemble, seraient-ils alors des billevesées ? La capacité de la République à faire « vivre ensemble » est-elle une illusion ? Bref, la République est-elle responsable de l’échec du modèle de société qu’elle a voulu (une « nouvelle civilisation » !), modèle mais qui était foireux dès sa conception ? Répondre positivement à cette question pourrait entraîner la fin du régime. 

2. La république n’est pas responsable des échecs du vivre ensemble

Les dirigeants républicains vont apporter une réponse claire et définitive à cette question : le régime n’est en rien responsable de la situation ! Toute la responsabilité incombe au racisme, c’est-à-dire, bien sûr, aux Autochtones, puisque, évidemment, les allochtones sont les victimes de ce racisme. Une grande opération de communication va alors commencer, avant même que la Marche des Beurs atteigne son terme.

A Strasbourg, la Secrétaire d’Etat à la Famille, à la Population et aux Travailleurs immigrés, Georgina Dufoix, se joint au cortège, marquant ainsi la solidarité du régime avec les manifestants. A Paris, d’autres responsables républicains de premier plan (Huguette Bouchardeau, Claude Cheysson, Olivier Stirn, Bernard Stasi…) apparaissent en tête de cortège. Une délégation est reçue à L’Elysée par François Mitterrand. Georgina Dufoix déclare : « Le gouvernement sera sans faiblesse. Il a donné des instruction d’extrême fermeté face au racisme ». Traduisez : «face au racisme des Français » !

Le message que transmettent les cadres du régime en place, et son président lui-même, est donc sans ambigüité : ce n’est pas le projet républicain, l’idée absurde de mélanger l’huile et l’eau, les Arabes et les Français, qu’il faut remettre en cause. Il faut incriminer le racisme des Français de souche européenne. Si le vivre ensemble ne marche pas, il faut en chercher les raisons dans les « comportements sociaux ségrégatifs » des Autochtones. Nous allons donc, disent les ministres, débusquer ces comportements et les punir.

La première partie de cette mission sera dévolue à une officine gouvernementale nommée SOS Racisme (les Juges républicains puniront). Créée tout juste un an après la marche des Beurs (15 octobre 1984), l’organisation directement subventionnée par le Cabinet de l’Elysée et l’Etat républicain, a pour mission de « révéler » le racisme autochtone. Elle doit fournir au régime des « preuves » qui valident son accusation et puissent ainsi l’absoudre. L’officine va pratiquer un grand nombre de testings (considérés comme source de preuve valable par les tribunaux d’Etat !) pour établir la réalité d’une discrimination raciale autochtone dans l’accès aux emplois, au logement, aux discothèques… Au final, malgré tout l’argent dépensé par le régime, les résultats apparaîtront comme tout à fait insignifiants.

3. Emergence de l’antijaphétisme structurel

 Les résultats dérisoires de SOS Racisme ne prouvent rien, mais néanmoins un nouveau discours d’Etat va se mettre en place à partir de la marche des Beurs. Cette « marche », en 1983, révèle l’échec intégrationniste du régime. Elle oblige le régime à prendre un véritable tournant idéologique. Avant cette date, le régime a recours au racisme pour faire taire les opposants aux flux migratoires. Le stratagème est politique, il s’agit d’imposer un choix immigrationniste. Après cette date, le régime aura recours au racisme pour expliquer les échecs du vivre ensemble. Le stratagème est idéologique, il s’agira de sauver la République.

Toutefois, un problème demeurait. De mauvais esprits pouvaient prétendre que le racisme était la conséquence normale d’un projet républicain contre-nature et anthropologiquement absurde. Qu’il était normal que l’huile et l’eau se séparent et que le projet absurde de les mélanger ne pouvait aboutir qu’à une répulsion réciproque. De coup, le racisme, comme conséquence du vivre-tous-ensemble, pouvait être imputé au régime, ce que celui-ci voulait précisément éviter. La seule solution consistait donc à montrer que le racisme s’exprimait dans la société française bien avant l’installation de la République. Le régime allait ainsi souiller l’ensemble de l’histoire de France.

On reconnaît les premiers signes de cette volonté de souiller toute notre histoire dans le livre de Bernard Stasi. Celui-ci relie le racisme des français, tel qu’incarné en politique par le Front National, au « patrimoine politique » français : « la droite des Ultras, la Terreur Blanche, le Parti de l’Ordre Moral, Les Ligues, Vichy, le poujadisme, l’OAS ». Plus loin, il convoque l’affaire Dreyfus, la colonisation, la collaboration, les croisades et une « méfiance [des Français envers les Arabes] qui semble remonter à la nuit des temps ». Cette « méfiance » qui remonte à la nuit des temps n’innocente-elle pas la République ?

Différents ouvrages commencent alors à suggérer la thèse d’un racisme venant des profondeurs malsaines de l’âme française et européenne : L’idéologie française, Bernard-Henri Lévy, 1981 ; L’invention du racisme, Christian Delacampagne, 1983 ; La Force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, Pierre-André Taguieff, 1988 ; Le credo de l’homme blanc, Alain Ruscio 1995 ; le racisme expliqué a ma fille, Tahar Ben Jelloun, 1998 ; etc. Tout cela n’est bien sûr pas innocent : ces écrivains de cour cherchent des alibis au régime qu’ils servent.  

Dans les années 1980-1990 toute l’histoire du pays sera revue dans un sens « paxtonien ». On recherchera les côté sombres et on masquera les côtés glorieux. En 1970, les écoliers apprenaient que Victor Schœlcher avait aboli l’esclavage. En 2000, ils apprendront le code noir. En 1970, ils apprenaient l’organisation de la société féodale, la Trêve de Dieu, Pierre l’Ermite et Godefroy de Bouillon. En 2000, ils apprendront une guerre injuste menée par des chrétiens fanatiques. En 1970, ils apprenaient la découverte de l’Amérique. En 2000, ils apprendront le génocide des Amérindiens. Quel peuple pourrait résister à un tel avilissement de son passé ?

Le régime cautionne cette lecture avilissante de l’histoire des Européens et des Blancs en général : des lois mémorielles la protègent et obligent même à l’enseigner. L’Ecole républicaine ne s’en privera pas.  

Ainsi, toute l’histoire officielle, l’histoire enseignée, est progressivement revisitée sous l’angle du racisme. Dans les années 1970, on recherchait les racines du racisme français dans la « France Vichyste ». On ne pouvait s’opposer à l’immigration sans être ramené à Pétain. Au début des années 1980, les origines du racisme français sont recherchées dans un « patrimoine politique » plus large, qui va approximativement de la Contre Révolution au Front National, en intégrant l’affaire Dreyfus et Vichy. Mais déjà s’amorcent des tentatives d’élargir encore le spectre. A partir des années 1990-2000, les origines du racisme français sont recherchées dans la culture et l’identité européenne. A partir des années 2000, sous l’influence des indigénistes, elles sont recherchées dans la race.

La permanence historique du racisme français, puis blanc, donne de la profondeur à ce racisme et innocente le projet républicain de vivre-tous-ensemble, qui en est la principale victime. Tout s’explique. L’idéologie républicaine est irréprochable dans sa conception. Une société ouverte fondée sur le Contrat social peut parfaitement fonctionner. Et le racisme séculaire des français, et des Blancs en général, racisme que la République fera bientôt disparaître par le métissage, explique tous les dysfonctionnements.

IV. Les émeutes de 2005 : un nouveau choc, un autre discours

1. Etat d’urgence

La République, en tant que système reposant sur la société ouverte, est condamnée à une fuite en avant perpétuelle. Après avoir agité le prétendu racisme des Français pour faire taire les opposants à l’immigration ; après avoir cyniquement imputé au racisme des Français le naufrage de son modèle absurde de société ; après avoir donné une profondeur historique à ce racisme, de manière qu’on n’en fasse pas justement un produit de ce modèle, la République propose désormais le métissage comme solution à un impossible vivre ensemble, qui débouche maintenant sur la guerre civile.

Dans les années 2000, les tensions se transforment en effet en violences. Des sociétés parallèles, qui pratiquent la « distanciation sociale » plutôt que le « vivre ensemble », se sont constituées et fragmentent le pays. Les émeutes de 2005 sont un véritable choc pour le pays. Le régime doit décréter l’état d’urgence le 08 novembre. Il durera trois mois.

2. On ressort les vieilles rengaines

Les services d’Etat et les médias pointent « l’exclusion » des jeunes de banlieues de la société française. Le Conseil national des villes parle de « leur absence de place dans la société ». Les sociologues pointent  le racisme de la Police (on ne parle pas encore de « policiers-blancs ») : « les contrôles, les insultes, les brimades ou les violences physiques ne relèvent pas du fantasme ». Bref, pour la petite musique médiatique dominante, les « jeunes » de banlieues sont des victimes du racisme de la société française (autochtone) ségrégationniste. Que va faire le régime ?    

3. La solution réside dans le métissage

Le régime est prisonnier de ses propres mensonges. Il est obligé de postuler la responsabilité du racisme autochtone et  il doit chercher des réponses en fonction de ce postulat. La question récurrente, puisque « chaque Français a sa part de responsabilité », est, depuis les années 1970 : comment faire cesser les « comportements sociaux ségrégatifs » des Français ? Puisque le peuple français n’avait pas réussi à changer de comportement, avec les conséquences désastreuses que l’on voyait, ne fallait-il pas plutôt changer « biologiquement » ce peuple ?  

L’idée que la solution réside dans le métissage commence alors à s’imposer progressivement durant cette période. Cette idée est simple, voire simpliste : une fois métissés, les Français de souche européenne ne pourront plus être racistes. La France redeviendra alors une nation homogène et sans distinctions. Le vivre tous ensemble sera possible, puisque le racisme n’existera plus.  

Sarkozy (discours du 17 décembre 2008) le proclame : « Quel est l’objectif ? L’objectif c’est de relever le défi du métissage ».  C’est cela ou le chaos, poursuit le président du régime : « Nous n’avons pas le choix (…) c’est une obligation (…) on ne peut pas faire autrement au risque de nous trouver face à des problèmes considérables… ». Aux élections, un an auparavant, son opposante de gauche, Ségolène Royal, avait affirmé : « Le métissage est une chance pour la France. Je serai la présidente de la France métissée et qui se reconnaît comme telle ». En l’espace de quelques années, pour la Droite comme pour la Gauche, la « chance » du peuple français, qui se trouvait dans l’ouverture à l’immigration, est passée dans l’acceptation du métissage. Ce qu’on demande désormais à ce peuple, pour que survive la République et qu’advienne le vivre ensemble, n’est rien moins que son autodestruction en tant que peuple enraciné dans une lignée (européenne) et une culture (européenne).

La publicité participe largement à cette opération politique de promotion du métissage. On ne compte plus les spots qui présentent des couples mixtes, généralement une femme blanche, souvent blonde, avec un homme noir. Le cinéma n’est pas en reste : Mohammed Dubois, 2013 ;  Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu, 2014 ? ; Samba, 2014…

Les Français peuvent-ils refuser le métissage ? Bien sûr que non. Sarkozy avait prévenu : le métissage n’est pas un choix, c’est une obligation. D’ailleurs, expliquent les sachants, refuser le métissage c’est être raciste : « le racisme le plus profond, c’est celui qui refuse le métissage » explique ainsi Hervé le Bras.

C’est que le métissage est la dernière chance de faire fonctionner le vivre ensemble. Les élites républicanolâtres font du métissage la solution miracle et sont accrochés à cet espoir délirant comme un pendu à sa corde. Peu importe que la France disparaisse si cela sauve la République. Mais qu’est-ce que la France éternelle au regard du régime qui l’opprime ?

 Conclusion

 L’antijaphétisme n’est pas apparu spontanément. Il n’est pas le fruit d’une décision réfléchie. Il est le fruit d’un ralliement progressif autour d’une « évidence » : pour accéder à l’universel il faut contraindre, puis détruire, le spécifique. Et pour cela, le mieux, vieille technique, est de le diaboliser.

Nous avons donc tenté cette « périodisation » de l’antijaphétisme :

Avant 1970, l’antijaphétisme n’existe pas car la question du vivre ensemble ne se pose pas.

Entre 1970 et 1983, les Français sont associés au racisme (reductio ad racismus) afin de forcer leur consentement aux politiques d’immigration. Il s’agit d’un proto-antijaphétisme.

Entre 1983 et 2005, les Français (autochtones) sont associés au racisme afin d’expliquer les échecs du vivre ensemble républicain. On inculpe la France (son identité, son histoire, sa culture…) et on avilit le peuple français pour innocenter les principes de la République. L’antijaphétisme systémique se déploie dans toutes les institutions d’Etat, dans les médias, l’Université et l’Enseignement.

Entre 2005 et aujourd’hui, les Français (autochtones) sont associés au racisme pour justifier le métissage des Français : « qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ! ». Le racisme est racisé et devient un problème de Blancs. Le métissage, ultime solution trouvée par le régime pour sauver le vivre ensemble, est sensé faire disparaître le racisme en faisant disparaître la race. L’antijaphétisme  systémique ne se contente plus de justifier le régime : il se mue en une machine à effacer le peuple.

La périodisation que nous proposons n’est pas rigide. Nous n’ignorons pas que, bien avant les années 1980, certains auteurs égratignent déjà le passé de la France et de l’Europe. Citons Jules Isaac et sa Genèse de l’antisémitisme (1956) ou Histoire de l’antisémitisme de Léon Poliakov (1955). Nous savons également que le métissage est un vieux fantasme qui n’a pas attendu 2005 pour se manifester. Citons Edgard Morin, qui écrit, en 1980 : « Le métis doit être l’homme de demain ; c’est l’homme qui peut fonder son identité directement sur la notion d’humanité» (Introduction à une politique de l’homme, Paris, Seuil). Une mention également à Elie Wiesel pour son “académie universelle” qui entend œuvrer en faveur du « métissage des civilisations” (1983). Néanmoins, il nous semble que, jusqu’au début des années 1980 tout au moins, le passé de la France est relativement épargné par le régime (sauf celui relatif à l’Occupation et à l’affaire Dreyfus) et que jusqu’au début des années 2000, ce régime ne fait pas systématiquement la promotion du métissage.

Cette périodisation montre qu’en voulant mélanger l’huile et l’eau la République a été mécaniquement obligée de concevoir un système raciste quasi-parfait. Elle devait faire taire ceux qui s’opposaient à ce mélange. Puis, pour se disculper, elle devait incriminer un élément de ce mélange. Pour finir, terrible aveu de son échec, elle doit éliminer un élément de ce mélange. Un système d’avilissement, l’antijaphétisme ne fait pas exception à la règle, se termine toujours par un génocide.

Antonin Campana

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