Poitiers: les "martiens" défient ouvertement les élus
J e peux apporter deux tables et des chaises, qui peut amener à manger, à boire? À écouter la discussion de ces locataires du 98 de la rue des Deux-Communes, au pied de leur immeuble, on comprend qu'une fête des voisins se prépare. Mais pas n'importe laquelle. « On va se rassembler dans le hall, dimanche soir à partir de 20 h, pour montrer qu'on occupe l'espace », explique Abdou, l'un des habitants. 20 h, c'est à peu près l'horaire à laquelle le bruit commence à enfler dans les caves du bâtiment, dont plusieurs portes ont été fracturées. Un boucan d'enfer jusqu'au petit matin. Puis, quand le calme revient, les locataires descendent photographier les dégâts et les détritus.
« On se croirait dans les tribunes d'un stade de foot! »
Depuis le mois de juin, en effet, des jeunes prennent chaque soir possession des lieux, « jusqu'à 30 personnes parfois », et les occupent jusque tard dans la nuit, à diverses activités que les locataires ont peu à peu identifiées. « Ils apportent des consoles de jeu, des ordinateurs, et on les entend crier toute la nuit, assure Martine, une locataire. Parfois, on se croirait dans les tribunes d'un match de foot. » Les décibels grimpent aussi quand un scooter fait des allers et retours dans la cave, ou quand une moto pétarade sur le parking toute la soirée pour épater la galerie. « Les chambres des enfants sont juste au-dessus, impossible de les endormir », assure une jeune maman.
Trafic de stupéfiants
Plus grave, les locataires sont certains d'avoir repéré un trafic de stupéfiants: « On retrouve des seringues, du papier d'aluminium souillé de matière brune. » Ils ont surtout repéré « la chouffe », des jeunes guetteurs, à vélo ou à scooter, postés autour de l'immeuble, chargés d'alerter le gros de la troupe au cas où une patrouille de police passerait dans le coin. « La police, on sait qu'elle fait ce qu'elle peut. Mais quand on appelle, on n'est pas toujours bien reçus au téléphone, néanmoins on continue », expliquent les riverains.
« On a alerté tout le monde, Ekidom le bailleur social, la mairie et la police, expliquent les habitants. Maintenant, on prend les choses en main, avec cette occupation pacifique dimanche soir. Nous ne voulons pas nous substituer à la police ou aux institutions, mais nous avons un certain nombre de solutions et de pistes à proposer pour ramener le calme. »
« Belle initiative »
Le bailleur social propriétaire de l'immeuble, Ekidom, est au courant de la situation. Une équipe est venue constater les faits hier matin. « On note une montée des incivilités dans ce secteur, du côté de Daudet, et donc de ce côté aussi, confirme Cathy Faye, directrice territoriale. C'est bien que les locataires se mobilisent, c'est une belle initiative. » Une réunion avec la police et la mairie est d'ores et déjà fixée à mardi prochain, « à laquelle on va inviter des locataires », ajoute-t-elle. Les portes des caves vont être réparées, promet-elle aussi.
La députée LaRem Françoise Ballet-Blu, la conseillère départementale PS Sandrine Martin, la conseillère municipale LaRem Solange Laoudjamai, les conseillers municipaux de la majorité Alexandra Duval et Laurent Lucaud sont venus écouter ce collectif citoyen de voisins.
L'action pacifique s'est très mal terminée. Alors que la réunion touchait à sa fin, les habitants ont été caillassés, l'un deux a été menacé de mort et la police a dû intervenir d'urgence en force en présence d'élus interloqués. Choqués, les voisins ont décidé de revenir tous les soirs.
ND: Caillassés par qui ? SIlence radio ....