Europe: en Italie aussi, ça barde !

Les notes de "L'ode à la joie", l'hymne européen, résonnent dans le théâtre de Padoue plongé dans l'obscurité. Le rond de lumière d'un projecteur épingle au fond de la salle une étrange silhouette marchant vers la scène. C'est un fantôme couvert par un drapeau de l'Union qui baragouine une langue ressemblant à de l'allemand. Arrivé sur scène, un Beppe Grillo hirsute et hilare émerge du drap étoilé qu'il foule de ses pieds en hurlant "je vais te la donner, moi, l'Europe", le titre de son nouveau spectacle.  Bruxelles est prévenue : c'est un cyclone qui va s'abattre sur le Parlement européen après 25 mai. Car le Mouvement 5 étoiles (M5S) fondé par Beppe Grillo, le Coluche italien, a fait de la lutte contre "l'Europe à la Merkel" son cheval de bataille. "Nous gagnerons les élections du 25 mai et nous retournerons cette Europe de m... comme une vieille chaussette sale", a déclaré le comique génois avec son élégance verbale coutumière

Surenchère « populiste »

Grillo a flairé la bonne affaire. Traditionnellement favorable à l'Europe, l'opinion publique transalpine lui a tourné le dos avec la crise. 53 % des Italiens ne considèrent désormais plus l'Europe comme une opportunité, mais comme un désavantage. Outre M5S, la Ligue du Nord, Fratelli d'Italia et Forza Italia font campagne contre l'Europe telle que nous la connaissons. Pour accaparer les voix des eurosceptiques d'ici au 25 mai, toutes les surenchères populistes sont permises.

Le programme de M5S prévoit d'organiser un référendum pour rester ou non dans l'euro, abolir le pacte budgétaire et de la limite des déficits à 3 %, instaurer des eurobonds et proposer une alliance des pays méditerranéens pour "une politique commune". Dans ses spectacles, Grillo pousse parfois le bouchon jusqu'à proposer l'effacement d'une partie de la dette de l'Italie. Est-il sérieux ? C'est impossible à dire, car on ne sait jamais si c'est l'amuseur ou l'idéologue qui parle.

Pas question pour autant de s'engager à siéger à Strasbourg et à Bruxelles aux côtés des députés du Vlaams, de l'Ukip britannique ou du Front national de Marine Le Pen. C'est sur Internet que les adhérents décideront, après les élections, des alliances à passer au sein du futur Parlement. Beppe Grillo veut conserver les mains libres. Fin stratège, il préfère cultiver l'isolement et la "pureté du mouvement" plutôt que de se salir les mains dans la cogestion des dossiers.

Le 25 juin, le premier parti d'Italie ?

Et ça marche. M5S est crédité de 27 % d'intentions de vote, contre 32 % au Parti démocrate (PD) et 17,5 % à Forza Italia. Toutefois, alors que le PD est en chute dans les prévisions, l'expérience démontre que M5S dépasse en général les scores annoncés par les instituts de sondages. Le Mouvement 5 étoiles est donc en course pour devenir le premier parti italien.

Davantage qu'en Europe, un tel succès aurait des conséquences immédiates dans la péninsule. Matteo Renzi est en effet, après Enrico Letta, le second président du Conseil qui n'a pas été légitimé par les urnes. Le scrutin européen prend donc valeur d'un référendum pour ou contre le président du Conseil. Un échec, même relatif, du PD le 25 mai sonnerait le glas de l'exécutif de l'ancien maire de Florence. "Si M5S arrive premier, je monte le soir même au Quirinal (le palais de la présidence de la République, NDLR) pour exiger la démission du président Napolitano et des élections anticipées, a déclaré Grillo. C'est eux ou nous. Les partis politiques le savent, ils sont finis."